Je n’étais pas parmi les premiers fans de Kiff No Beat. Il faut dire qu’à l’époque, pendant que le rap ivoirien sombrait dans l’agonie avec les derniers titres phares de Garba 50 et Billy Billy, je m’étais réfugié vers un certain Tya Vuitton pour son flow, son aura et son style particulier. D’ailleurs, c’est lui qui m’a fait pivoter vers ce groupe avec leur première collaboration.
À l’époque, je n’étais pas un fan de KNB car je faisais partie de ceux qui n’aimaient pas le coupé décalé. Non, je n’étais pas un hater. Je ne passais pas mon temps à démontrer par A+B que le coupé décalé était une mauvaise musique, non ! J’étais du genre à penser que le coupé décalé était une musique dansante qui ne pouvait être appréciée qu’à travers les pas et les mouvements. Entre-temps, j’étais plutôt mélomane, j’accordais de l’attention aux paroles. Je disséquais la musique : le tempo, l’instrumental et l’agencement logique des choses.
J’étais tellement à l’écart du groupe que pendant qu’il gagnait en popularité, je me suis tourné vers d’autres horizons musicaux. À l’époque, Internet n’était pas aussi accessible et je ne vivais pas à Abidjan, donc pendant que le côté rap de KNB se développait, je les percevais plutôt comme un groupe coupé décalé, car leurs titres courants joués partout étaient souvent du coupé décalé. Par ailleurs, il m’était arrivé de les confondre avec le groupe Logobi GT, pour ceux qui s’en souviennent.
Dès le début, je n’avais rien contre leur travail. Il faisait du rap, mais je connaissais surtout leurs titres populaires qui étaient principalement du coupé décalé, du « rap décalé » ou du « dirty décalé », comme il le qualifiait. Tout simplement, je n’écoutais pas le coupé décalé. Avec le temps, je peux facilement affirmer que leur choix était astucieux. D’ailleurs, il faut reconnaître qu’ils ont contribué à raffiner le coupé décalé en y intégrant davantage de texte. Et je crois que leur fusion du rap décalé est la plus grande réussite de Kiff No Beat. J’y reviendrai dans quelques lignes, mais pour l’instant, voici comment je suis devenu fan.
En 2012, le morceau « Groupie » en featuring avec Tya Vuitton sort. C’est à ce moment-là que je découvre un Kiff No Beat pour son rap. Je suis immédiatement resté sur le charme du groupe. Mais ça ne m’a pas traversé l’esprist de chercher à les ecouté. Le départ de Tya pour les études a joué un grand role dans mon adoption du groupe. Après sa NWO TAPE, il n’était plus hyper actif. Alors, pour combler ce vide, je me suis plus tourné vers un groupe qui faisait un peu de ce que j’aimais chez Tya et ce groupe est évidémment Kiff No Beat.
Le titre qui m’a fait totalement basculer, c’est « ETAPE ». Nous sommes en 2014 et c’est maintenant que je commençais à prendre KNB au sérieux, deux ans après avoir compris que leur musique n’était pas seulement du rap décalé. A l’epoque, je ne les écoutais pas simplement parce que je n’écoutais pas le coupé-décalé. Et leurs titres à succès (« C’était chaud » « Courant est coupé », « Samusement », « Shooto ») m’ont bien conforté dans ma position. Mais « ETAPE » a tout chamboulé. Il m’a tout de suite convaincu. Il était constamment dans mes oreilles, que ce soit dans le bus, à la maison, en route pour les études, etc. Si le streaming était disponible à l’époque, j’aurais certainement dit que je l’ai énormément streamé.
L’année 2014 marque mon passage au statut officiel de fan de KNB. J’ai découvert leurs projets plus anciens, comme « Cadeau de Noel » et « Jackson Five ». J’ai également pris connaissance de leurs différends avec Skeleton et j’ai découvert l’écurie de Shadow Chris grâce à shadowchris.com. Je découvre les talents individuels de chaque membre et les projets « Mojotrone » (qui m’a beaucoup marqué) et « L’homme étrange 2« . Il faut reconnaître que j’étais désorienté et que j’en avais presque honte, car j’avais évolué sans eux. Alors que le rap ivoirien stagnait, je stagnais également.
Un jour, en naviguant sur la toile, je suis tombé sur le clip de « Tu es dans pain ». À mes yeux, ce titre était une véritable anomalie dans le paysage du rap ivoirien. Le clip, le flow, la disposition des mots, les paroles, l’instrumental, tout était radicalement différent de ce qui était fait jusqu’à présent en Côte d’Ivoire, voire même en Afrique. Ce titre a fait l’unanimité auprès de mes amis et moi. J’ai tellement été fasciné par cette chanson que j’en ai écouté maintes et maintes fois. Il a grandement influencé les rappeurs de la nouvelle génération qui ont suivi. Tous ont adopté le refrain accrocheur, facile à mémoriser, avec des réussites variables. Fondamentalement, lorsque Kiff No Beat proclame qu’ils ont révolutionné la scène ivoirienne, tout part de ce titre qui leur a valu une reconnaissance internationale.
Depuis lors, je suis devenu un fan complet et je le reste alors que le groupe s’efface lentement de la mémoire collective. J’ai suivi de près leurs sorties progressives en 2015 jusqu’à la sortie de « Cubisme », qui demeure mon deuxième album préféré du groupe après « Pétards d’ados ». « Bledard is the News Fresh » est celui que j’apprécie le moins. Je crois qu’avec leur ambition internationale, certains éléments fondamentaux ont été sacrifiés. Cet album sonne moins authentiquement Kiff No Beat à mes oreilles.
Kiff No Beat m’a conquis grâce à leur constance, et cette cohérence découle de leur génie. Le génie de Kiff No Beat, c’est d’avoir su allier le rap au coupé décalé. Je sais que c’est cet aspect qui m’avait éloigné du groupe, mais je pense que cette stratégie a propulsé le rap au premier plan actuellement en Côte d’Ivoire. Dans un pays où le coupé décalé règne en maître, cette association du rap a permis à de nombreuses personnes de se familiariser avec ce genre musical, souvent considéré comme étranger. Kiff No Beat a éduqué les mélomanes ivoiriens à ce genre en voie de disparition dans notre pays. Le génie de Kiff No Beat est d’avoir réussi à convertir des adeptes du coupé décalé en fans de rap. Arafat DJ y est pour quelque chose, mais cela fera l’objet d’une analyse différente. D’ailleurs, tout comme le mapouka a donné naissance au twerk, je crois que le groupe n’est pas suffisamment reconnu pour son rôle dans l’émergence de l’afrobeat.
En conclusion, l’histoire de ma découverte et de ma transformation en fan fervent de Kiff No Beat illustre le pouvoir de la musique à influencer, évoluer et transcender les préférences personnelles. De la méfiance initiale envers le coupé décalé à la fascination pour la fusion audacieuse du rap et de ce genre musical, mon parcours reflète comment la curiosité et l’ouverture d’esprit peuvent nous amener à apprécier des formes artistiques auxquelles nous n’étions pas initialement enclins.
Kiff No Beat, en maîtrisant habilement l’art de mélanger les styles, a non seulement captivé mon oreille, mais a également eu un impact majeur sur la scène musicale ivoirienne. Leur capacité à éduquer, à innover et à susciter une nouvelle appréciation pour le rap démontre leur génie artistique et leur contribution significative à la culture musicale du pays.
« ETAPE » a agi comme une véritable porte d’entrée vers leur univers pour moi, remettant en question mes perceptions et m’ouvrant à la richesse de leur musique. En associant habilement le rap au coupé décalé, ils ont créé un pont entre deux mondes musicaux, attirant ainsi des fans issus de différents horizons et contribuant à élever le rap au premier plan de la scène musicale ivoirienne.
Finalement, mon parcours avec Kiff No Beat témoigne du pouvoir de la musique à rassembler, évoluer et éduquer. Ils méritent notre gratitude pour leur impact durable et leur génie artistique. Alors que je regarde en arrière et que je me tourne vers l’avenir, je reste enthousiaste quant aux futures créations musicales du groupe, qui continueront sûrement d’éclairer notre expérience musicale et de marquer notre culture d’une manière profonde et significative.
Un grand merci aux cinq loups, vous restez incontestablement les meilleurs.
Je n'étais pas fan de Kiff No Beat
Marius Kwadyo
Articles similaires
Marius Kwadyo
Marius Kwadyo est un passionné de tech vivant à Abidjan. Il partage au quotidien sa passion pour les nouvelles technologies sur son blog NewsGeek.ci et sur YouTube.
En savoir plusMa Playlist
Conseils Pratiques
Je n’étais pas fan de Kiff No Beat
Je n’étais pas parmi les premiers fans de Kiff No Beat. Il faut dire qu’à l’époque, pendant que le rap…
Arrête-toi bien, femme !
– Marius regarde ! Mousso là, qui est en train de prendre selfie là ! Elle est en forme hein…
J’écoute tout dans le rap et voici pourquoi
Parfois on me demande « Marius, pourquoi tu écoutes des rappeurs comme Booba, Lil Pump, alors que tu dis que tu…
Voici la meilleure méthode pour éviter le sida dans sa vie
En Cote d’Ivoire grâce aux actions gouvernementales et des ONG, le taux de nouvelle contamination par le VIH est en…
7 étapes clés pour avoir une confiance en soi solide
La confiance en soi est un élément extrêmement important dans presque tous les aspects de notre vie pourtant beaucoup peinent…
Subscribe for newsletter
* You will receive the latest news and updates on your favorite celebrities!